Introduction aux mots de Louise

Il faudrait, pour la peindre, renoncer à la vanité de la rendre par un portrait. Elle ne commence à être ce qui la distingue qu’en se dérobant à toute peinture. Ni plus ni moins de teinte n’en rehausserait la couleur. Elle est délibérément sans éclat et détonne sans se démarquer.

Je ne ferai pas son portrait. Trop peu sûr est l’emplacement, trop meuble, où poser le chevalet, l’endroit d’où tendre le pouce et mesurer les proportions, où l’œil se fait arpenteur, critique. Mesures, mensurations, un mot empreint d’abject marchandage, disparu aussitôt qu’entrevu tant il disconvient mais qui laisse en creux quelque chose qui l’évoque : Louise ne se laisse pas mesurer.

Elle relit , saint Augustin, aussi Tintin et le petit Rimbaud.

Elle a des airs de Monica Vitti. Dans l’Eclisse surtout. Un mot jeté au vent. Un geste interrompu. Un visage tout à l’heure riant qui soudain s’assombrit.  

Louise la puritaine inspire de l’amour à quatre ou cinq types qu’elle ne voit qu’en particulier, provoque la rencontre, cultive le privilège de ces face-à-face, dispense toutes les marques d’une attention sincère, accepte le cadeau d’un livre, en offre un autre qu’elle choisit avec dilection, se laisse inviter à dîner, heureusement ne prétend pas partager l’addition, soutient de longs regards muets, risque des questions personnelles du même effet, demande toutes les heures si « ça va », quand apparemment non, « ça » ne va pas, et s’étonne qu’on s’éloigne plutôt que d’endurer encore cette combustion.

Elle parle parfois d’elle-même à la troisième personne.

Elle a de plaisantes inquiétudes, comme celle qui lui fait demander si la colère n’est pas cause d’un silence qui la rebute. D’où sait-elle si sûrement qu’elle a pu inspirer ce sentiment plutôt qu’un autre ? Trop facile, répondrait-on dans la cour de récré : elle y était.

On est bien indiscret de lui demander ce qu’il y a au bout de la chaînette dorée qui finit sous son corsage. Elle ne saurait l’être d’ouvrir une carte dont on lui a montré le recto, et de jeter un œil sur ce qu’on y a écrit.

Aussitôt entrevue et déjà tout ailleurs / Un nuage qui passe ou une ombre trop belle / Reste à délibérer, chez ses admirateurs / Et à se dire enfin : suis-je ivre ou est-ce elle ? / La vérité souvent niche entre deux erreurs / Il y a dans le vin de quoi guérir les cœurs / Et dans le vain amour l’espérance éternelle.

Elle ne pourrait jamais dire : « Je vais réunir quelques amis. » Il n’y aurait que des types, qui se foutraient sur la gueule.

Elle n’est jamais excessive. Aucun gros mot jamais ne franchit  ses lèvres.

Parler, marcher. Le bonheur de ne l’entendre jamais rien dire qui ne soit pour aller d’un point à un autre.

Louise marche pour penser. Si je pouvais décrire son pas, je pourrais lire dans ses pensées.



paraphe










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